MARIE-MADELEINE

C’était dans les années 50, Marie-Madeleine était la plus jeune de la famille, elle venait d’avoir 18 ans. Un bal était organisé au village et les parents de Marie-Madeleine l’avaient autorisée à y aller. C’était un bal pour danser, or, Marie-Madeleine ne savait pas danser à l’époque.

Elle y a retrouvé une amie, qui lui a dit, en désignant un grand homme : « Ce monsieur sait bien danser, il t’apprendra ! ». Alors Marie-Madeleine, qui n’avait rien à perdre, a traversé la salle, s’est postée devant l’homme et lui a demandé s’il voulait bien danser avec elle. D’abord, il l’a regardée de haut en bas, puis il l’a prise par la main et l’a emmenée valser sur la chanson « Le tango bleu ». Marie-Madeleine a souvent marché sur les pieds de son partenaire, mais cela ne les a pas empêché de discuter : il s’appelait Bruno, il avait 32 ans et il travaillait dans les transports, pour le père de Marie-Madeleine. Cela l’a étonnée, puisqu’elle ne l’avait jamais remarqué parmi les employés…

Après le bal, Bruno est venu quelques fois chez Marie-Madeleine. Son père lui défendait de fréquenter Bruno, parce qu’il était trop vieux pour elle, mais Marie-Madeleine le voyait en cachette. Ce n’était pas le coup de foudre, prévient-elle, mais ça s’est fait petit à petit.

Et c’est ainsi que deux ans plus tard, elle s’est évaporée un matin pour rejoindre son Bruno et l’épouser sans en avertir personne. Sitôt leurs vœux échangés, ils ont pris la route afin de se rendre en Italie. Ils ont traversé un col enneigé où l’accès était difficile ; on n’y voyait pas clair et très vite, le véhicule s’est retrouvé bloqué. Mais Bruno était sûr de lui : il a demandé à Marie-Madeleine de prendre le volant pendant qu’il poussait la voiture. « Nous étions mariés depuis un jour, mais il a failli devenir veuf : devant nous, il y avait un énorme précipice, qu’il n’avait pas vu », raconte Marie-Madeleine. Elle s’était arrêtée juste à temps, au bord de la falaise. « Si je n’avais pas freiné, on aurait pu croire qu’il voulait se débarrasser de moi ! » Marie-Madeleine en rit aujourd’hui.

A leur retour, le père de Marie-Madeleine n’a plus rien dit et a accepté l’union de sa fille et de Bruno. Le couple a eu 3 enfants et a créé une entreprise de transport. Parfois, la nuit, Marie-Madeleine et Bruno réparaient leurs bus jusqu’à très tard, mais c’était comme ça à l’époque, il fallait prendre les problèmes à bras le corps. Marie-Madeleine conduisait des cars, elle partait parfois pendant plusieurs jours, c’était une femme indépendante, mais cela séduisait Bruno. Elle plaisait aux autres hommes, Bruno s’en vantait. Quand il dansait avec elle (puisqu’entre temps il lui avait appris le tango), les gens les regardaient avec admiration.

Marie-Madeleine avait un peu moins de 70 ans quand Bruno est décédé. Elle n’a jamais voulu refaire sa vie avec un autre homme. Elle dit qu’en amour, comme en danse, c’est difficile de s’adapter à un nouveau partenaire.